La rencontre de jeunesse entre le polytechnicien Alfred Sauvy et le futur Jacques Tati sur le gazon du Racing-Club à Colombes forme une des configurations les plus étranges de l’histoire culturelle française. Sauvy avait dix ans de plus que Tati et il n’était pas du tout le même genre d’homme. Une brillante carrière de statisticien et de pionnier en matière de prévisions économiques l’attendait, mais à l’époque où il recruta le jeune géant Tatischeff dans son équipe, Sauvy était l’assistant par intérim de Tristan Bernard, romancier et dramaturge à succès, et l’un des plus grands amateurs de sport de l’entre-deux-guerres.

Au contact de Sauvy, Tatischeff ne devint pas un champion des statistiques, et la présence de Tristan Bernard dans les vestiaires ne l’encouragea pas forcément à lire les oeuvres du patron de son capitaine. Néanmoins, l’équipe Sauvy constitua pour ainsi dire la véritable université de Jacques Tati. On s’amusait beaucoup au Racing-Club, mais c’est dans ce cadre sportif et convivial que le futur cinéaste se frotta pour la première fois avec des sommités du monde de la science et des arts. Parmi ces nouveaux amis, Tati fut capable pour la première fois, semble-t-il, de surmonter la timidité qui l’avait empêché de s’épanouir jusque-là. Et c’est là qu’il acquit lentement la conviction qu’il avait lui aussi quelque chose à donner aux autres.

Pour lire l'article publié par la Sabix, cliquez ici