jean fourastie

Statisticien, économiste et démographe, Alfred Sauvy était particulièrement qualifié pour parler de la question des retraites et ses leçons sont toujours d’actualité. Pour lire l'article publié par Jacques Bichot dans le Monde du 7 avril 2017, cliquez ici.

 

Jean-Claude Chesnais rappelle dans l’ouvrage “La vieillesse des nations“, textes choisis, présentés et annotés, qu’Alfred Sauvy a posé en 1987 cette question : Les retraites, une quatrième défaite démographique ?“[1] Rappelant d’une part les conséquences d’un affaissement de la fécondité française dans les années 75 et d’autre part l’abaissement de l’âge de la retraite à 60 ans en 1982 qu’il qualifie de “Contresens impardonnable, test d’une ignorance plus poussée que raisonnable“.

Pédagogue hors ligne, il rapporte dans le même ouvrage une “curieuse petite aventure personnelle“ : Une journaliste en vogue, plus attachée aux apparences, qu’instruite sur le fond des questions traitées s’était exprimée à peu près ainsi dans un grand quotidien « Que m’importe le manque de jeunes plus tard, puisque je paie régulièrement mes cotisations (et, plus exactement, qu’elles sont automatiquement déduites de mon salaire). Ainsi, ma retraite est mathématiquement assurée. »

Je lui ai répondu ceci : « Vous semblez penser, chère madame, que M. Giscard d’Estaing (alors, président en exercice, place votre cotisation dans une tirelire et que, lorsque vous serez bien vieille, au soir à la chandelle, il n’y aura qu’à briser cette tirelire pour vous assurer votre retraite bien gagnée. Ce n’est pas ainsi, chère madame, que les choses se passent, : votre cotisation, c’est moi qui en bénéficie et je vous en suis très obligé ; mais quand vous serez - bien plus tard assurément- parvenue à votre tour à l’âge de vous “retirer“, vous risquez d’être cruellement déçue, s’il n’y a pas un nombre suffisant de jeunes pour produire des richesses. »

Un peu plus loin, il suggère la clef du problème des retraites. « L’attachement profond et si naturel des Français à la retraite est lui-même une force qu’il convient d’utiliser. La clef du problème est facile à trouver : il convient de réduire toute retraite des personnes qui , pour une raison ou une autre, n’ont élevé aucun enfant ou n’en ont élevé qu’un. En revanche, les sommes perçues ainsi permettraient de verser une retraite supplémentaire aux personnes qui ont élevé deux et surtout trois enfants. L’effet d’une telle mesure ne se limiterait pas au comblement d’un trou financier. Elle ferait comprendre à l’opinion la vanité des calculs de retraite purement financiers et la haute fonction sociale que remplissent les “producteurs de producteurs“.»

C’est, sous une autre forme ce que Michel Godet appelle le théorème de Sauvy : ce sont les enfants d’aujourd’hui qui feront les retraites de demain[2].

[1] 1°La perte du monde culturel après le traité de paris (1763), 2° La défaite de 1870, 3° La guerre d’Algérie.  

[2] Emploi, chômage et retraites : Sauvy toujours d’actualité. Population & avenir n°719  Septembre-octobre 2014.