jean fourastie

Une idée de l'homme

Cette série de textes affiche comment Jean Fourastié se rattache à un courant humaniste.

En 1947, Jean Fourastié sent la mutation profonde que va subir le monde, du fait que l’accroissement de la productivité permettra de réduire la durée du travail. Il lui paraît presque évident que les hommes en profiteront pour s’instruire davantage, se cultiver… Dans un article intitulé Regards sur les nouvelles formes de la civilisation économique, paru en février mars 1947 dans la Revue « Productions françaises », il développe cette pensée après avoir comparé les évolutions économiques de la Suède et des États-Unis avec celle de la France. Il prédit pour l’an 2000, en France, une distinction intellectuelle et un art de la vie en société incomparables, et s’appuie sur l’hypothèse que : la civilisation est la fille de l'oisiveté parce qu'elle est le seul remède durable contre l'ennui. Il espère cette civilisation d’’une troisième génération, la première travaille trop et s’amuse ; la seconde est sportive, mange et voyage ; la troisième découvrirait le plaisir intellectuel… Nous attendons toujours cette troisième génération !

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Durant la fin des années 1960, Jean Fourastié constate déjà que, selon ses prévisions, la durée de la scolarité est allongée et que, cependant, le niveau des connaissances et de la culture des jeunes ne s’élève pas autant que prévu, ni même que nécessaire à l’évolution économique du monde. Force nous est, dit-il, d'étudier la nature des échecs et d'y trouver, outre l'inadaptation proprement dite, d'origine physique ou mentale, une foule de degrés dans l'aptitude. L'auteur a alors lancé une enquête par sondage L'idée dominante de l'enquête était de rechercher une information sur les milieux les plus favorisés d'abord par les revenus pécuniaires, ensuite par la culture familiale.

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La Lettre ouverte à quatre milliards d’hommes contient une critique de l’enseignement pratiqué en France ; celui-ci tend à présenter les résultats de la recherche, mais non les moyens d’y parvenir et n’est donc pas stimulant pour l’esprit. L’enseignement se limite au peu que les hommes ont découvert et dissimule l'immensité de l'ignorance humaine et les limites du raisonnement rationnel.

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En 1989, lorsqu’il réédite le Grand espoir peu avant son décès, Jean Fourastié est plus pessimiste : le Monde vit un changement de culture, dans lequel les idées classiques et les valeurs qui ont fait durer l’humanité s’effondrent. Nous n’avons plus aujourd’hui de culture capable de fonder une morale ; nous avons à reconstruire une conception du monde et de la vie. Cependant, cette refondation est déjà commencée…

Le passage suivant est extrait du Grand espoir, éd. 1989, p. 408-410 et 418-419. Il s’agit d’une postface qui est en quelque sorte le testament de Jean Fourastié.

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Exposé de Jacqueline Fourastié à la Journée Pierre Vendryès, 1994.[1] 

      Tous deux chercheurs et de formation scientifique, l’un ingénieur puis économiste, l'autre médecin et philosophe, Jean Fourastié et Pierre Vendryés ont été amis, à la manière dont se vivait l’amitié entre intellectuels : échanges d'affection, surtout échanges d’idées, souvent par écrit. Leur dialogue a duré de 1948 à leur mort (1989 et 1990). L’un et l’autre avaient une grande culture générale et ils étaient “autodidactes” en philosophie. Rares sont les livres, les articles ou les conférences de Jean Fourastié où il ne cite pas son ami.

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Jean Fourastié avait beaucoup d’admiration et d’amitié pour Pierre Vendryès. Celui-ci a utilisé le calcul des probabilités pour l'étude de l'être vivant Le sang, par exemple, a des caractères physiques et chimiques constants, bien qu'il soit plongé dans un environnement qui varie beaucoup... Au pôle Nord ou sous l’équateur, les hommes ont le même sang, la même température... Pierre Vendryès a montré que l'être humain a trois autonomies fondamentales par rapport au monde extérieur : l'autonomie métabolique ou physico-chimique de l'intérieur du corps ; l'autonomie motrice : il peut se déplacer par rapport à son milieu extérieur ; les animaux jouissent de ces deux formes d'autonomie, mais la troisième, l'autonomie mentale n'existe que pour l'homme : en présence d'un univers, du monde extérieur, l'homme construit des idées, des images qui ne sont jamais identiques pour deux hommes différents. Le cerveau humain est autonome.

Le texte qui suit est la préface de Jean Fourastié au livre de Pierre Vendryès, Vers la théorie de l’homme (1973)

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Mémoires en forme de dialogue avec sa fille Jacqueline, par Jacqueline Fourastié et Béatrice Bazil,

Pour lire l'ouvrage : Jean Fourastié entre deux mondes

EXTRAITS DE L'AVANT-PROPOS

Pourquoi ce titre "Jean Fourastié entre deux mondes"?

La principale raison a déjà été exprimée : pendant qu'il travaillait à ce dernier livre, Jean Fourastié est décédé ; la mort est un passage... L'autre raison est que la vie de Jean Fourastié s’est située entre deux mondes : le monde traditionnel et le monde de demain. Sa vie a été un perpétuel retour aux racines de l'humanité, à travers ce qu'il a perçu dans les livres, et surtout la contemplation de son village de Douelle : la mentalité traditionnelle, ses richesses morales et religieuses, les rites, mais aussi la résistance au progrès. Il a su lire dans le passé les germes de l'avenir, et comprendre la continuité et les ruptures qu'a engendrées le progrès technique dans le monde occidental ; ainsi, il a entrevu le monde futur. Il a fait de la prospective dès avant que le mot n'existe... et depuis qu'il existe.

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 A la demande de Max Gallo, Jean Fourastié a publié en 1975 Le long chemin des hommes et y a exposé de façon complète l’idée qu’il se faisait de l’homme. Dans ce texte, il apporte de multiples éléments qui expliquent à la fois le progrès humain, indéniable aujourd’hui, et la « crise » avec son cortège de sentiments d’échec, de souffrances… Jean Fourastié avait vu à la fois la croissance de la production, la réalisation du Grand espoir, et le grand échec de l’espérance d’une société heureuse parce que mangeant à sa faim et échappant à la dureté de la condition millénaire… pour lire le texte en PDF, cliquez ici

 L'homme ne sait rien de l'homme, et le peu qu'il pense savoir est incompréhensible.

Je rappelle que je ne prétends pas résumer ici ce que nous apprend en 1975 le réseau de la science expérimentale. Je résume seulement l'opinion personnelle que me laisse, aujourd'hui, un long effort pour m'informer des faits qu'elle a révélés, des théories qu'elle a formulées, des hypothèses qu'elle a avancées.

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Jean Fourastié évoquait quelques chefs d’œuvre de l’art qui lui semblaient révéler un aspect important de l’humanité ; il les révèle au début de ce texte, publié en 1962 dans La grande métamorphose du XXe siècle. Pour lire le texte en pdf, cliquez ici

S'il me venait un ami d'une autre planète et qu'il n'eût que quelques heures pour envisager l'humanité, je lui montrerais de l'homme et de la condition humaine une ville et cinq toiles peintes : ce seraient la ville d'Istamboul et les cinq toiles : l'Amour sacré et l'Amour profane; l'enterrement du Comte d'Orgaz; l'enseigne de Gersaint ; un paysage d'Auvers-sur-Oise ; la Junte des Philippines. Il serait trop long et ce n’est pas mon propos de justifier ici ces choix; je veux seulement saluer La Junte avant qu'elle ne quitte Paris[1].

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Jean Fourastié était à l'écoute de toutes les personnes et de tous les événements pour en tirer des conclusions générales. Ainsi, la vision d'un chien qui tirait sur sa chaîne - qu'il a depuis maintes fois racontée,  l'a plongé dans la distinction court terme-long terme et l'a aidé à approfondir la notion de bonheur.

En voyant sur la route de Coutances à Caen un chien tirer furieusement sa chaîne, il m'a semblé que j'approchais quelque peu d'une connaissance du bonheur. Ce chien, attaché par une chaîne très longue, qui lui permettait d'approcher l'asphalte, tentait avec frénésie de se jeter sur chaque cycliste qui passait ; malgré l'échec réitéré et inévitable, je voyais qu'il avait conservé toute sa fougue et toute la fraîcheur de son instinct.

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Pour Jean Fourastié, cette double anecdote illustre la difficulté qu’a l’homme à percevoir le monde qui l’entoure. Il n’est vraiment capable d’appréhender que ce qui est proche de ce qu’il connaît déjà[1].

Si la raison de l'homme était ce levier, ce moyen de découverte infaillible et universel que l'on croyait tel au xixe siècle, il ne semble pas raisonnable qu'elle ait mis tant de siècles à accoucher de si maigres souris. De même, l'homme a spontanément confiance en la qualité, en la fidélité, en l'objectivité de ses moyens de perception sensorielle. Mais si l'homme avait effectivement vu la nature, vu le réel, s'il avait objectivement depuis ces mille ans vu et entendu les autres hommes et lui-même, en serions-nous encore où nous en sommes ?

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