jean fourastie

Alors que l’inflation est un mal jamais totalement disparu, Il importe de considérer ce livre d’Alfred Sauvy publié en 1976 chez Calmann Lévy. L’auteur traite précisément du couple chômage, inflation, maux qui d’antidotes sont devenus complices cumulant leurs effets malsains.

 

Une ode aux créateurs de richesses

Sauvy y dénonce les dogmes et les propos extrémistes de politiques en mal de vision, les contresens par manque d’éclairage au-delà du visible immédiat qui seul retient l’attention. La plupart des pensées et analyses de Sauvy, fondées sur des données objectives démographiques et un éclairage de faits et chiffres, se révèlent confirmées et justes la plupart du temps, y compris 50 ans après. Ainsi ce livre plein de bon sens résonne avec force face aux problèmes et débats d’aujourd’hui, comme si rien n’avait changé sauf en pire.

 

La vision, hélas répandue, que les créateurs de richesses sont des acteurs malfaisants est pour beaucoup à l’origine de « l’économie du diable ». La haine des riches et des richesses conduit au refus de les créer et de mettre à leur service les Hommes et leur travail avec comme triste résultat….la pauvreté. 
Il dénonce le mythe et l’illusion du concept d’un nombre limité d’emplois qu’il faudrait partager et répartir, ce qui a conduit à l’erreur des 40 heures… (et j’ajoute bien pire aujourd’hui).

Poussée par l’ignorance générale, une telle politique qui réduit le travail dérive aussi dans le sens de la pauvreté.

Le progrès technique, la productivité et la création de richesses augmentent le nombre d’emplois. Le diable qui intervient dans notre économie trouve de nombreux avocats qui affirment avec autorité des idées malthusiennes en prenant leurs intérêts pour guide et leurs sentiments pour lumière à l’opposé des réalités.

 

Écarter les rigidités et le nombre d’emplois est illimité

Pour Sauvy si on supprime les rigidités le nombre d’emplois est illimité.

« Les Hommes travaillent les uns pour les autres et se fournissent du travail entre eux, toute activité productrice créant d’autres emplois ».

Il cite les décisions de Paul Reynaud qui, en 1938, à l’opposé des demandes obscurantistes qui lui réclamaient de déverser de l’argent public pour faire repartir les affaires et diminuer le chômage, décide au contraire de réduire les dépenses publiques, de libérer les prix pour en ralentir la hausse et d’allonger la durée du travail pour réduire le chômage. Les résultats positifs arrivent très vite, reprise générale productrice de richesses, accroissement de la production et des exportations, ralentissement des prix et réduction du chômage.

Les rigidités, les approches malthusiennes, les protections paresseuses maintiennent les inadaptations et sont les grandes sources clandestines de chômage et d’inflation.

 

La métaphore du gant

Au contraire la primauté au travail, la formation des jeunes, l’incitation au travail manuel, l’élasticité de l’offre, à l’opposé du soutien à la demande, permettent de sortir de cet engrenage de crises.

Sauvy illustre son propos avec la métaphore du gant. Si un gant est parfaitement ajusté sauf pour un doigt qui serait trop court, on ne peut l’enfiler pour qu’il vous aille justement comme un gant. La solution qui consisterait à se couper les quatre doigts devenus trop longs pour ajuster le gant est absurde. C’est pourtant ainsi que trop souvent sont conduites les politiques sociales et économiques.

Note de lecture : L’économie du diable, Alfred Sauvy, Paris, Calmann-Lévy, 1976. Par Michel Tardieu