jean fourastie
Loin de considérer que la « machine chasse l’homme », Jean Fourastié et Alfred Sauvy jouent un rôle fondamental dans la (re)découverte des notions de progrès technique et de productivité, dans leur réintroduction dans la science économique comme dans les politiques publiques et, enfin, dans leur vulgarisation, grâce à des essais économiques à succès.
Désireux de combattre les théories malthusiennes et les mythes économiques qui fleurissent dans une France en crise, A. Sauvy réfléchit dès les années Trente aux liens entre productivité, progrès technique et chômage. Il poursuit ses travaux pendant la guerre à l’Institut de conjoncture avec l’ingénieur André Vincent et le statisticien Pierre Froment. Leur synthèse parait en 1944, il s’agit de Progrès technique en France depuis 100 ans, ouvrage fondateur attaché à une productivité en nature, à la pondération par les prix, aux liens entre progrès technique et progrès social, aux comparaisons internationales.
Ces questions suscitent également l’intérêt de J. Fourastié à la fin de la Deuxième Guerre mondiale : ses liens avec Sauvy, son désir de comprendre la dépopulation des campagnes, la découverte des Etats-Unis et celle des travaux de Colin Clark dont il fait son miel, l’amènent à élaborer une définition de la productivité « mesure du progrès technique» dont l’intensité variable détermine le classement des activités dans le secteur primaire, secondaire ou tertiaire.
Appelé par Jean Monnet au Plan, il place ces notions au cœur d’un programme franco-américain de modernisation qui se traduit notamment par l’envoi de missions tripartites aux Etats-Unis. Parallèlement, tout en les rattachant à l’évolution des prix et du niveau de vie, il les fait entrer dans le langage courant grâce à des essais brillants comme Le Grand espoir du XXe siècle, 1949, Machinisme et bien-être ou un « Que sais-je ? » Productivité, 1952, qui donnent à comprendre les mécanismes économiques de long terme et dévoilent aux Français le sens et la portée des transformations que leur pays connait. Synonyme « d’état d’esprit » et consubstantielle à la notion de croissance, la productivité est finalement devenue une notion transversale.
De son côté, Sauvy reprend à nouveau le thème de la relation entre progrès technique et emploi, dans le contexte de la crise économique de la fin des années 1970 avec La machine et le chômage. Il montre le rôle décisif du « déversement » et de son utilisation dans la création d’emplois nouveaux.
Sources :
A. Sauvy, « Productivité et chômage », Journal de la Société statistique de Paris, t. 77, 1936, p. 93-107.
A. Sauvy et A. Vincent, Le progrès technique en France depuis 100 ans, Paris, Institut de Conjoncture, 1944.
A. Sauvy, Mythologie de notre temps, Paris, Payot, 1965.
A. Sauvy, La machine et le chômage : les progrès techniques et l’emploi, Paris, Dunod, 1980.
J. Fourastié, La Civilisation de 1960, Paris, PUF, 1947.
J. Fourastié, Le Grand espoir du XX 20ème siècle, progrès technique, progrès économique, progrès social, Paris, PUF, 1949.
J. Fourastié, Machinisme et bien-être, Paris, Ed. de Minuit, 1951.
J. Fourastié, La productivité, Paris, PUF col. « Que Sais-je ? », 1952.