jean fourastie
Merci, Monsieur le Président. […] Je ne me permettrai pas de faire votre éloge, mais je vais dire pourquoi je me suis adressée à vous. D’une part, en souvenir de mon père dont vous venez de parler et que, lorsque vous étiez commissaire au Plan, vous avez accueilli la cérémonie au cours de laquelle nous lui avons remis l’ouvrage Jean Fourastié, Quarante ans de recherche. Depuis son décès, vous avez présidé le baptême de l’amphithéâtre Jean Fourastié, puis aidé puissamment à la création du Comité Jean Fourastié. D’autre part, parce que vous avez présidé les Assurances Générales de France, là où mon frère Vincent, qui fête ses soixante-dix ans, a fait toute sa carrière ; il vous admire beaucoup !
[…]Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? Je suis née dans une famille exceptionnelle. […] Mon Père avait l’habitude de travailler chez lui, ce qui lui permettait de nous suivre de près. Maman était sa collaboratrice dans ses travaux intellectuels, et sa vigilance maternelle nous suivait pas à pas.
[…] Je n’ai pas encore parlé de la joie que j’ai eue à travailler avec mon Père. Il a eu la bonté de m’associer à ses dernières publications et vous venez de me remettre sa propre médaille.
Le phénomène de l'évolution de l'économie et de l'emploi vers le tertiaire n’est malheureusement que rarement vu dans la perspective de Jean Fourastié. Quand mon père est né, 40% de la population active française travaillait dans l’agriculture ; quand il est mort, c’était 6,5 % et aujourd’hui c’est moins de 3% ; ceci ne signifie pas que la production agricole ait baissé, bien au contraire ; nous en sommes « réduits » à lutter contre l’obésité et les kilos en trop ! Aujourd’hui, l’industrie est capable de produire davantage, en employant moins de personnes ; ce sont donc les services qui sont les emplois d’aujourd’hui et de demain. Le moteur, c’est le progrès des techniques de production… Pardon ! je suis en train de vous faire un cours d’économie !!! je suis un vieux prof ! Contrairement à ce que va vous dire mon frère, j’aime cette époque qui nous est donnée, époque de progrès, malheureusement aussi de chômage !
J’ai essayé de transmettre les messages que mon Père nous a laissés, dans ce qu’ils ont de fructueux pour notre temps, et je n’y ai guère réussi. Un exemple sur lequel je travaille actuellement : l’évolution de ce qu’il a appelé les prix « réels » ; vous venez de faire allusion au prix du blé sous Louis XIV : il était des 3 ou 4 heures de travail, alors qu’il est aujourd’hui d’environ 3 minutes ! L’histoire du prix du blé et des céréales dit, mieux que de longs récits, la misère ou la prospérité des peuples…Ce simple fait résume la hausse extraordinaire de notre niveau de vie. Les prix réels baissent ; loin de nous en réjouir, notre appétit de consommation augmente ! Ces dernières années, j’ai tenté de recueillir les nombreuses séries de prix que Jean Fourastié a publiées et de les mettre à jour. Une partie d’entre elles sont sur le site web du Comité Jean Fourastié. Peut-être un groupe de travail du Comité va-t-il m’aider dans ces travaux. […]