jean fourastie

 

Ce qu’il y a de fondamental dans la période transitoire, ce n’est pas tellement que le progrès technique engendre des perturbations [...] c’est surtout qu’il dépayse constamment l’individu. Jean Fourastié : Le Grand espoir du XXe siècle

Portée par une technologie conquérante, celle des ordinateurs et des réseaux, la disruption numérique s’infiltre partout ; le moment est donc venu d’intégrer dans l’économie politique cette  nouvelle économie. Sa richesse n’est plus seulement constituée par des choses mais par des abstractions comme des données numériques et des procédures de calcul. [...] Joseph Schumpeter présenta la disruption comme une caractéristique du capitalisme. Elle expliquait Les Trente Glorieuses et la reconstruction de l’industrie en Europe occidentale et au Japon au lendemain du second conflit mondial. Elle rend compte aujourd’hui du chamboulement qu’induisent l’Internet et les opérateurs du réseau des réseaux. [...]


Depuis des décennies, les modèles donnent une image partielle de la valeur ajoutée et de la production. [...] Prolongeant le souhait de Fourastié (toujours coller au réel : « le raisonnement est le serf des faits et non pas leur maître »), on suggère aujourd’hui d’apprendre à maîtriser les instruments numériques afin que l’innovation offre un jeu à somme positive avec l’existant (Townsend). Cela imposerait de réviser la mesure de la croissance et l’observation économique qui furent conçues pour une économie fermée et pour des productions manufacturières.


Les réalités économiques actuelles seront d’autant mieux comprises que nous ferons l’effort de valoriser aussi bien les choses que les algorithmes ; et d’intégrer des aménités dans l’économie aussi naturellement que nous l’avons fait pour les terres, les équipements et les machines depuis des siècles. Après avoir sept fois tourné autour des murailles du Jéricho institutionnel et monétaire, le mur de l’incompréhension entre l’économie réelle et l’économie didactique s’effondrera-il ? Pourra-t-on reconstruire une économie politique qui intègre aussi bien la richesse des firmes que la richesse des nations ? Ce serait le grand chambardement que suggère la disruption numérique !

Jean-Pierre Chamoux, in L’ère du numérique 2, ISTE, Londres, (2018) p. 211-233