jean fourastie

  L’annonce par l’Insee de la chute des naissances en France en 2017 - sa fécondité est tombée à 1,88 enfant par femme pour la France entière et à 1,85 pour la France métropolitaine, soit davantage en dessous du taux de renouvellement des générations - a provoqué une floraison d’articles, faisant référence à Alfred Sauvy et posant la question de savoir si l’évolution de la politique familiale constatée depuis quelques années est la cause de cette chute ?

Il est vrai qu’Alfred Sauvy a joué un rôle majeur, en 1939 comme à la Libération, dans la définition et la mise en place de la politique familiale française.

 

Les résultats de 2017 montrent cruellement que le dynamisme démographique qui faisait l’heureuse originalité de la France en Europe appartient désormais au passé. En effet, en 2017, la France métropolitaine compte 74 000 naissances de moins qu’en 2010.

Cette diminution, corrélée à la croissance inéluctable des décès – les cohortes nombreuses nées après – guerre arrivant aux grands âges -, se traduit par le ralentissement progressif de la croissance démographique et l’accélération du vieillissement de la population avec ses effets pernicieux.

Les commentateurs se divisent sur les causes de cette évolution amorcée en 2011 alors que la fécondité de l’Allemagne est remontée en cinq ans de 1,3 à 1,5 – et que celle de l’Angleterre se maintient à 1,8.

La fin de l’universalité de la politique familiale et notamment le plafonnement du quotient familial sont mis en cause, avec d’autres arguments, par bon nombre de commentateurs1.

Sur cette question, il est intéressant de rappeler ici deux témoignages :

- Jean-Claude Barreau, qui fut Directeur de l’INED et conseiller de François Mitterrand, rapportait dans Libération du 13 juin 2012 sous le titre “La tentation malthusienne“ alors que la question du quotient familial était déjà en débat : « Alfred Sauvy répétait toujours qu’il ne fallait pas confondre politique familiale et politique sociale. Ce n’est pas le rôle de la politique familiale d’effectuer des redistributions de richesses opérées par l’impôt. Chaque enfant, quel que soit le milieu dont il est issu, est un enfant de la République et doit être encouragé de manière semblable ».

- Guy Delorme écrit dans son ouvrage De Rivoli à Bercy. Souvenirs d’un inspecteur des finances 1952-1958 : « Le grand savant Alfred Sauvy disait que les démographes n’ont pas encore établi de façon sûre2, des lois sur les rapports entre telle et telle mesure d’encouragement pour la famille et le renouveau de la natalité. Dans ces conditions il recommandait la plus extrême prudence avant de modifier un des dispositifs de la politique familiale car on risquait de toucher celui qui jouait le plus grand rôle. »

 Au vu des résultats, on peut légitimement se demander si nos gouvernants n’ont pas été des apprentis sorciers !

Publié dans la lettre de l'association Alfred Sauvy n°6 - mars 2018