jean fourastie
Cinq années de collaboration avec Jean Fourastié, deux ouvrages écrits avec lui, qu’il a eu l’élégance de me faire cosigner alors que sa notoriété, en ce début des années quatre-vingts, était à son faîte : le souvenir date de plus de 35 ans, mais il est toujours aussi vif, fort et… joyeux !
Oui joyeux, car Jean Fourastié travaillait à mon sens comme il vivait, dans la sérénité et la gaieté, sans oublier la bonne dose d’humour qui a constamment agrémenté nos entretiens. Au fil de nos rencontres dans son appartement lumineux de la rue Lecourbe, devant les rayonnages de ses livres reliés, je découvrais un maître à la fois sûr de ce qu’il avait à dire et totalement ouvert à la nouveauté de ce que je pouvais lui apporter.
Nos rendez-vous étaient toujours des dialogues. Plus d’une fois, j’ai été étonnée de la façon dont il écoutait la jeune journaliste économique que j’étais, dont il me faisait confiance, dont il s’intéressait aux informations, voire aux contradictions que je lui soumettais avec précaution. Jean Fourastié, déjà auteur de nombreux ouvrages célèbres, savait encore s’étonner de tout ! Mieux que quiconque il savait regarder et écouter. Car l’ingénieur avait un goût inné pour l’information concrète que toute une vie de recherche n’avait pas assouvi.
C’était d’ailleurs le cœur de sa méthode de travail : partir des faits, du « réel », collectionner les petits faits têtus avant d’élaborer la moindre abstraction ; dans un second temps seulement ordonner ces faits autour d’un sens général pour en extraire une explication universelle.
Rare et infaillible discipline…
Béatrice Bazil